Alors que l’Allemagne s’apprête à activer un huis-clos intégral dans les enceintes sportives, alors
que le Royaume-Uni fait face à une reprise pandémique sans précédent, alors que la question du
maintien du boxing-day s’est posée, la France se retrouve face à un mur. Et si tout recommençait ?
Et si, de nouveau, on devait tout arrêter, tout fermer et tout stopper, quelles en seraient les
conséquences ?
Depuis 2020, les pertes ont été colossales. Sur le seul football européen professionnel, l’ECA, le
syndicat des clubs, avait estimé les pertes, après le covid, le ralentissement économique, l’arrêt des
championnats et les rencontres jouées à huis-clos, à plus de 6 milliards d’euros. Rien qu’en France,
entre tous ces déboires plus la faillite de la chaîne Téléfoot et la dévalorisation des droits TV, Vincent
Labrune, le président de la LFP, avait affirmé que le coût de la crise montait à plus de 600 millions
d’euros.
Et la situation est encore plus grave dans d’autres disciplines, comme en basket, en handball ou en
rugby, où les championnats et les clubs professionnels sont beaucoup plus dépendants de la
billetterie, de la fréquentation et de l’apport des partenaires. Dans le TOP14, par exemple, les
événements matchs représentent au moins 60% des rentrées financières des équipes. Ainsi, sans
rencontre, sans supporters, sans VIP, pas de recette, pas de revenu et des pertes inquiétantes.
Heureusement, durant les 2 saisons de pandémie, l’Etat français s’est porté garant des pertes, il a
couvert les déficits, assuré les découverts, exonéré les fuite et protégé les finances. Les équipes
professionnelles, depuis 2020, ont pu bénéficier de prêts garantis d’Etat, de subventions et de
soutiens, d’aides et d’apports publics. Sans cela, il est fort à parier que des équipes auraient pu faire
faillites et disparaître à tout jamais. L’Etat, quoi qu’il en coûte, a joué son rôle de sauveur en dernier
ressort.
Mais jusqu’à quand ? Il ne peut pas être là et payer Ad vitam æternam. L’administrateur public ne
peut pas continuer à couvrir des pertes d’une économie en décrépitude. D’ailleurs, on espérait que
tout s’arrête avec ce début de saison 2021-2022, on espérait qu’avec la reprise sportive associée au
retour du public dans les stades et les enceintes sportives, un début de remboursement allait
commencer, un renouveau allait débuter. Dans le football, les supporters, malgré quelques
débordements fâcheux, étaient là, et côté télévision, Amazon se présentait comme un parfait
remplaçant de feu Téléfoot la chaîne, et annonçait « jusqu’à 1 million de téléspectateurs » devant les
affiches de Ligue 1.
Et ça repart
L’espoir renaissait. Pourtant, c’était sans compter sur une reprise de l’épidémie. Depuis 1 mois
maintenant, le variant omicron déferle sur l’Europe, avec plusieurs contaminations par jour, avec un
taux d’incidence supérieur à 500, des hospitalisations en augmentation continue, des niveaux
équivalents à ceux observés lors des pics pandémiques de la première et de la deuxième vague, en 2020.
Tout semble recommencer.
Par prévention, par anticipation, l’Allemagne a imposé un huis-clos général dans les enceintes
sportives à partir du 28 décembre. En Angleterre, de nombreux clusters se sont installés dans
certains clubs de Premier League, des rencontres ont été reportées ou annulées, la question du
maintien du boxing-day, cette journée au lendemain des fêtes de Noël, a même été soulevée. En
France, pour l’instant, on tergiverse, mais tous les signaux semblent montrer, a minima, l’obligation
de huis-clos dès la rentrée, voire, pire, une suspension de la saison, comme cela avait été fait, en avril
2020.
Pour les clubs, cela serait une catastrophe. Déjà exsangue par la crise et les déboires cumulées
depuis 2 ans, rajouter cette cinquième vague risquerait d’altérer considérablement leur économie
fragile. Idem côté télévision, Amazon, le nouveau diffuseur, s’inquiète de la situation, les matchs à
huis-clos avaient été, en partie, à l’origine des pertes affichées par Téléfoot la chaîne, avec des
matchs sans âme et sans ambiance, sans public et sans supporter. Sur quelques mois, en avril 2020,
les coûts avaient été estimés, par le syndicat des joueurs UNFP, à 291 millions d’euros. Si cela devrait
se reproduire, on rajouterait cette pertes aux précédentes, on rajouterait les déficits accumulés à de
nouvelles pertes et on fragiliserait encore plus des comptabilités en souffrance.
Et le basket ? Et le rugby ? Et les autres ?
Et que dire des autres disciplines ? Le basket français, qui a encore du mal à trouver un diffuseur,
même si BeIN avait semblé être intéressé par la BetClic Elite, pourrait-il se relever d’un nouvel arrêt
ou de nouveaux huis-clos ? Et le rugby ? Il a frôlé la faillite et la « réamateurisation » il y a deux ans, si
tout devait recommencer, si le coronavirus devait de nouveau empiéter le quotidien des clubs,
pourrait-il survivre ?
D’un autre côté, il est évident qu’il faut agir, qu’il faut trouver des solutions et ralentir la propagation
du virus, éviter qu’il ne s’installe durablement. Face à la question sanitaire, la problématique sportive
apparait bien secondaire. La question néanmoins sera de trouver des solutions durables et pérennes
pour assurer une survie de l’économie du sport, sans heurt ni déficit. Profitons encore et toujours des
crises pour imposer de la régulation, des réformes et des changements. Profitons des chocs
conjoncturels pour faire bouger les choses et acter une révolution majeure. Sinon, tout cela n’aura
servi à rien …